Mahmoud Doua est l’imam de la mosquée de Cenon, mais aussi enseignant en anthropologie du fait religieux à Bordeaux. Une double vocation dont il se sert pour étayer sa pensée. Hier soir, il a donné une conférence au cinéma Jean-Eustache de Pessac, à l’occasion du 13e Festival des nuits du ramadan dont le thème était : « Identité nationale, entre le voile et la réalité ». « Je veux appréhender les dérapages du débat sur l’identité nationale, dit-il. La question de l’identitéHier soir, à Pessac, Mahmoud Doua, imam à Cenon, a exploré la notion d’identité nationale

« On dirait que l’islam est devenu le miroir grossissant d’une société française en crise. Il détourne l’attention face aux gros enjeux, ou bien est utilisé pour traiter d’autres questions. »
L’imam estime que l’identité française répond d’abord à la notion de laïcité, une citoyenneté et des droits sociaux qui sont le fruit d’une longue lutte sociale : « nous devons en tenir compte, martèle-t-il. Et renégocier la visibilité islamique. On assiste à de nouvelles religiosités, une résurgence du besoin religieux qui ne répond pas à une lecture théologique, mais à du bricolage en fonction de la subjectivité ou de la psychologie des uns et des autres. Cette relecture peut faire des dégâts. Le port du voile intégral par exemple, est le fait de jeunes filles de la troisième génération d’émigrés, elles sont pourtant le produit de l’école laïque française Tout ça menace le compromis laïque. »
Précarité économiqueÀ propos du port du voile en France aujourd’hui, Mahmoud Doua parle de « surnormativité ». Et ajoute : « On lui a donné plus d’importance qu’il n’en a religieusement, cela pose le problème de l’ultra-visibilité de la religion. Il ne faut pas se cacher, ni ignorer, ni être hostile vis-à-vis d’une religion, mais réaffirmer le principe de la citoyenneté d’abord. »
Que cache donc la fixation (ou cristallisation) sur l’islam en France ? « La précarité économique, les acquis sociaux remis en question, répond-il. L’état français était garant de l’égalité. Le modèle français est aujourd’hui fragilisé. Au lieu de parler de ces problèmes, on reporte les questions de déficit financier et du chômage en accusant la polygamie des musulmans, le non-contrôle de la fécondité, les regroupements familiaux etc. J’ai entendu un jeune dire ça : » Je ne me reconnais pas dans cette France, on a besoin d’un CV anonyme pour décrocher un entretien. » Cet exemple est la preuve du déficit moral de l’état. »